En musculation et dans la vie de tous les jours, un muscle peut travailler de 3 manières différentes : en concentrique, en isométrique et en excentrique.
Le travail en concentrique (de la position 1 à la position 2 sur l’image ci-dessous) est celui que nous connaissons tous. Le muscle se contracte pour raccourcir son trajet et donc provoquer une flexion au niveau de l’articulation à laquelle il est rattaché. Pour exemple, si vous contractez votre biceps , votre bras positionné en extension complète va se fléchir, rapprochant ainsi votre main de votre épaule.
Le travail opposé au concentrique est le travail excentrique. Dans ce cas de figure, le muscle ne sert pas à créer un mouvement de flexion mais à ralentir un mouvement d’extension. Prenons l’exemple précédent : votre bras est fléchi en position haute (position 2) et la charge de la barre va appliquer une force vers le bas ce qui va vous contraindre à déplier le bras pour le tendre quasi complètement. Votre biceps brachial ne travaillera alors plus en concentrique mais en excentrique; il servira à ralentir le mouvement d’extension provoqué par le poids de la charge.
Le principal intérêt du travail excentrique réside dans le fait qu’il autorise un travail avec des charges supérieures à notre 1Rm. L’idée est en effet non pas de soulever une charge (comme dans le cas de notre biceps curl « classique ») mais de freiner la descente de cette charge. Concrètement, (une fois bien échauffé), vous allez pouvoir charger la barre jusqu’à 130% de votre 1Rm et tenter de vous opposer à la descente de la charge. Généralement des partenaires vous aideront lors de la phase concentrique du mouvement (à remonter la charge), votre effort s’effectuant ainsi lors de la phase excentrique du mouvement, d’où le nom de la méthode.
En principe vous devriez faire cette tête là pendant la phase excentrique, qui est une phase de travail très intense pour le muscle et dure à réaliser mentalement.
Quel est l’intérêt du travail excentrique?
Kumar (2009) a mesuré les fluctuations du rythme de la synthèses des protéines musculaires, suite à différents entraînements de musculation. Voici ses résultats.
La réponse anabolique (nous parlons bien ici de prise de muscle) augmente de:
-> 30% suite à une entraînement avec des charges correspondant à 20% de la force max.
-> 46% avec des charges égales à 40% du maximum
-> 100% avec des charges égales à 60% du maximum
-> 130% avec des charges égales à 75% du maximum
-> 100% avec des charges égales à 90% du maximum
-> 90% avec des charges égales à 110% du maximum
La riposte anabolique est optimale pour une charge égale à 75% de 1RM, tout simplement car l’entraînement lourd (au-delà de 85% du maximum) fatigue prioritairement le système nerveux et non les structures musculaires elles-mêmes. Le gain de force sera alors visé par le travail lourd mais pas la prise de muscle.
Le travail excentrique est connu pour entraîner des lésions profondes dans le muscle causant ainsi une forte dégradation musculaire au niveau des myofibrilles mais aussi au niveau du tissu conjonctif et de la liaison musculo-tendineuse, qui imposera au pratiquant un temps de récupération plus long.
On peut d’ailleurs facilement s’en rendre compte avec les douleurs musculaires post exercices qui surviennent après ce type d’effort!
En résumé, le travail excentrique c’est des charges NON – OPTIMALES pour la prise de muscle et des temps de récupération très longs, dûs à une forte dégradation des structures musculaires.
En fait le principal intérêt de ce type de travail qui consiste à freiner une charge réside dans la prise de force. Et oui si les grands champions utilisent des méthodes comme le 120-80 qui alternent répétitions excentriques à 120% du maximum avec des répétitions concentriques à 80% du maximum, c’est bien qu’il y a un intérêt à cela.
En PHYSIO,
A tension égale, la contraction excentrique nécessite moins d’activité électrique que lors des contractions concentrique et isométrique, ce qui conforte l’idée que durant l’excentrique, la charge est supportée par moins d’unités motrices, autrement dit que la force produite par fibre ou par unité de section musculaire est plus grande.
La possibilité de positionner des charges supra-maximales correspondant à 105% – 130% du maximum induit un stress nerveux bien supérieur au travail concentrique. Or le développement des facteurs nerveux est le principe de base de la prise de force. Alors même si les dommages musculaires peuvent être importants, utiliser les contractions musculaires excentriques en freinant une charges supérieure à son 1 RM s’avère très efficaces pour la prise de force, si et seulement si elles sont couplées à une période de repos suffisante et à un travail concentrique au cours de la même séance. L’utilisation d’un cycle excentrique de 4 semaines semble efficace pour prendre de la force voir même casser une barrière de force (= une période de stagnation).
Le travail dynamique négatif
Je souhaite également attirer votre attention sur le deuxième aspect du travail excentrique, que l’on utilise beaucoup plus fréquemment dans les salles de musculation, qui est le travail dynamique négatif.
Afin de ne pas se tromper de vocabulaire, il est important de rappeler que le travail dit excentrique correspond à un travail avec des charges supérieures à 100% de 1RM. Pour les charges inférieures au 100%, on parle de travail dynamique négatif, de travail frénateur ou encore de travail excentrique sous-maximal.
Il correspond simplement à la phase excentrique d’un mouvement de musculation exécuté d’une manière « classique ». Par exemple la descente de la barre lors du développé couché ou encore la descente contrôlée du corps lors d’une traction. En préparation physique, le travail de course en descente augmente le travail dynamique négatif sur les quadriceps.
Si comme nous l’avons vu le travail excentrique pur n’est pas idéal pour la prise de muscle, le fait de ralentir la charge de manière contrôlée pendant la phase excentrique d’un mouvement, elle, semble plus adéquat pour induire la construction musculaire.
En effet, comme le disait si bien Arnold, « connecter un muscle avec son cerveau permet d’augmenter l’activation du muscle ciblé » et utiliser ce fameux « Mind and Muscle connection » est efficace durant la phase concentrique mais aussi durant la phase de contrôle de l’étirement. Effectuer donc volontairement, avec la plus grande conscience un ralentissement de la descente de la barre lors du développé couché induira la destruction musculaire nécessaire à une réponse anabolique efficace, en plus d’augmenter le temps sous tension. Deux leviers de la prise de masse.
Ce n’est donc pas qu’une question de ressenti mais d’efficacité. En plus de mieux ressentir le muscle à l’étirement et lors de la contraction, le « Mind/Muscle connection » apporte une activation musculaire accrue lors des 2 phases de contraction. Négliger la phase dynamique négative serait alors une énorme erreur et nous ferait gaspiller la moitié du travail.
Et ceci n’est qu’un exemple. vous pouvez également retrouver l’importance de la phase négative dans le travail de tension continue, qui est un travail ultra connu des pratiquants de musculation cherchant à augmenter la masse de leurs muscles.
En tension continue, il est important d’exécuter le mouvement avec un tempo en 2-0-2-0 qui consiste à effectuer sciemment la phase négative du mouvement en 2 secondes (observant donc un travail dynamique négatif) , avant d’enchainer la phase concentrique en 2 secondes et repartir en freinant la charge sans marquer de pause.
Si je relâche mon muscle et que je ne retiens pas la charge pendant la phase dynamique négative, il sera impossible pour moi de l’effectuer en 2 secondes, la charge tombera au sol et je ne serai donc plus en tension continue. Ici le fait de freiner la charge me permettra donc d’accentuer la tension dans le muscle, de créer un catabolisme musculaire contrôlé et mesuré du muscle ciblé et d’éviter de bénéficier du reflexe myotatique ou « rebond » entre la phase excentrique et la phase concentrique, autan de leviers qui servent l’anabolisme musculaire.
Intérêt dans le travail de prévention de blessure et en rééducation
Nous avons vu que le travail excentrique pur induit des dommages musculo-tendineux mais lorsqu’il est contrôlé et infra-maximale, ce type de contraction peut , au contraire, limiter les lésions musculaires générées par l’activité excentrique prolongée et améliorer les capacités frénatrices d’un muscle.
Le couple musculo-tendineux étant capable de plasticité, il sera possible d’obtenir une modification des propriétés mécaniques de celui-ci. Notre corps s’adapte et gère mieux sa déformation à l’allongement.
Une meilleure capacité de résistance aux contraintes, permettra alors d’éviter la survenue de microlésions.
C’est notamment le cas du travail excentrique sur les ischio-jambiers en préparation physique: En les habituant à résister à l’allongement lors des exercices de renforcement, nous entraînons nos muscles postérieurs de la cuisse à mieux gérer le travail excentrique présent lors de chaque foulée et limitons donc les risques de déchirures des ischios en sprint.
Ce type de travail aura également une action sur la maturation du collagène et entraînera une augmentation du nombre de liaisons entre les fibres de collagène, ce qui permet de renforcer la résistance du tendon à l’étirement et d’éviter les déchirures de ce dernier.
J’aimerais terminer cette réflexion en rappelant que même les kinésithérapeutes utilisent des protocoles de rééducation essentiellement axés sur le travail dynamique négatif (communément le mot « excentrique » est utilisé) comme le protocole de Stanish.
Stanish a mis en place un protocole permettant de guérir les tendinites souvent à caractère chronique en appliquant un stress excentrique sur le couple muscle-tendon qui va induire une stimulation de la production de collagène (tissu composant le tendon) et améliorer l’alignement de ces fibres de collagène pour une meilleure élasticité et une meilleure stimulation des mécanorécepteurs présents dans le tendons.